Acheter un stylo et un carnet

2024.12.19

Quelle que soit la tâche, je commence toujours par un stylo et du papier.
Bien que je reconnaisse la commodité des outils numériques, ma première étape est toujours de tenir un stylo.
Que ce soit pour préparer une présentation ou rédiger une proposition, tout commence par un carnet.




Regarder les lignes et les lettres prendre forme sur la page déclenche une cascade d’idées.
Même si mes notes sont désordonnées et chaotiques, commencer par le papier me semble toujours plus naturel et libérateur.
Peut-être est-ce ma nature anticonformiste, refusant les contraintes et la structure.
Ou peut-être est-ce plus simple : j’aime la papeterie.
Tenir un nouveau stylo ou un carnet me remplit d’excitation, comme si le simple fait de rassembler mes outils alimentait mon énergie créative.




Des études récentes ont confirmé cette affinité pour l’écriture manuscrite.
Les recherches menées par la Dr Pam Mueller de l’Université de Princeton et le Dr Daniel Oppenheimer de l’UCLA ont révélé que les étudiants prenant des notes à la main comprenaient et mémorisaient les informations plus profondément que ceux qui les tapaient sur un clavier.


L’écriture manuscrite n’est pas seulement un moyen d’enregistrement : elle sollicite le cerveau, favorisant une compréhension plus profonde et une pensée créative.



L’un des plus grands attraits de l’écriture manuscrite est sa liberté. Sur un ordinateur, vous êtes contraint par les polices et les formats.
Sur le papier, tout est possible.
Les lignes peuvent dévier, les lettres peuvent trembler—peu importe.
Le papier est un espace où les pensées coulent librement, et ce sont même les imperfections qui stimulent la créativité.
Même les espaces vides s’expriment, portant une richesse qu’aucun écran numérique ne saurait reproduire.




Un récent article de National Geographic publié en octobre 2024, « La science de l’écriture manuscrite », explore comment l’écriture manuscrite active le cerveau et améliore la mémoire.
Si cela vous intrigue, cela vaut la peine d’être lu.


Le pouvoir émotionnel de l’écriture manuscrite est un autre aspect fascinant.
Selon une étude de l’Institut NTT Data, la communication manuscrite transmet au destinataire un sentiment de « temps et d’attention ».
Cet effort laisse une impression positive, permettant au lecteur de se connecter profondément avec l’auteur.
Chaque trait de stylo, chaque imperfection subtile, porte l’émotion de celui qui écrit.
Dans un monde de plus en plus numérique, la chaleur de l’écriture manuscrite brille d’autant plus.


C’est pourquoi nous intégrons l’écriture manuscrite dans nos séminaires.
Écrire sur du papier washi traditionnel va au-delà de l’apprentissage—c’est une véritable expérience.

Le thème d’un séminaire auquel j’ai récemment assisté était « Sossen Suihan (率先垂範) ».

Moudre l’encre, sentir le pinceau glisser sur le washi, observer l’encre s’imprégner dans le papier—chaque étape invite à une connexion plus profonde avec les mots.
Ce processus transforme l’acte d’écrire en une exploration de l’esprit qui se cache derrière le texte.
L’écriture manuscrite est bien plus qu’un simple outil d’enregistrement.
C’est un moyen de redécouvrir notre esprit, nos émotions et nos liens avec les autres.
La prochaine fois que vous ouvrirez un carnet, pensez à la chaleur et au potentiel de l’écriture manuscrite.


Cela pourrait bien être le début d’une révolution silencieuse au bout de votre stylo.


Alors, faisons le premier pas.
Sur le chemin du retour, arrêtez-vous dans une papeterie et choisissez un stylo et un carnet.




À partir de cet instant, votre révolution commence.

Proposer un nouveau style de voyage : « Takuryo (拓旅) » et « Keiryo (啓旅) » – Au-delà du tourisme

2024.09.27

« Redéfinir le voyage au Japon »

Plutôt que d’offrir des voyages touristiques conventionnels, nous proposons un nouveau concept de voyage enrichi de valeurs qui tissent ensemble les fils culturels du Japon à travers une perspective des arts libéraux.
Cette redéfinition repose sur les concepts de « Takuryo » et « Keiryo », qui transcendent les notions traditionnelles de voyage et de tourisme.

Qu’est-ce que « Takuryo (拓旅) » ?

Un voyage pour « ouvrir des lieux ».
Contrairement aux voyages conventionnels qui considèrent les sites célèbres comme des « points » isolés à visiter, le « Takuryo » explore les différentes strates de contexte, d’histoire, de spiritualité et d’essence culturelle qui définissent un lieu.
Par exemple, lorsqu’on découvre le Mont Fuji, un voyage en « Takuryo » ne commence pas par se rendre directement à un endroit offrant une vue dégagée sur la montagne.

Au lieu de cela, le voyage commence au pied du Mont Kinpu, un sommet sacré situé au nord, offrant une vue lointaine sur le Mont Fuji.
Cette approche s’enracine dans les traditions anciennes : il y a plus de 1 200 ans, lorsque le Mont Fuji était un volcan actif, les gens l’adoraient de loin, depuis des sites comme le Mont Kinpu.

En reliant progressivement les fils historiques, spirituels et culturels du Mont Fuji, le voyage aboutit à une expérience intime au cœur de la montagne.
Cette approche transforme la visite du Mont Fuji en une rencontre profonde, offrant une dimension bien plus riche que la superficialité du tourisme conventionnel.

Qu’est-ce que « Keiryo (啓旅) » ?

Un voyage pour « partir à la rencontre des personnes » et « s’éveiller à soi-même ».
Alors que le « Takuryo » met l’accent sur le concept de lieux, le « Keiryo » se concentre sur les récits des individus, tels que les figures historiques, et sur les liens qu’ils ont tissés tout au long de leur vie.

Les destinations touristiques sont souvent axées soit sur les lieux, soit sur les personnes.
Le « Keiryo » réinvente le voyage en mettant l’accent sur ces dernières, en construisant un récit plus riche autour de la vie et de l’héritage des figures historiques.

Par exemple, si l’on se concentre sur Takeda Shingen, chef de l’époque Sengoku, un circuit touristique classique inclurait des visites au sanctuaire Takeda, à sa tombe au temple Erin-ji, ou encore aux cinq temples zen de Kofu pour ceux qui souhaitent approfondir leur découverte.

Un voyage en « Keiryo », cependant, va plus en profondeur, en respectant les fondements spirituels et les liens de Takeda Shingen.
Sa vénération pour Yasutaka Yasuda du clan Kai Genji, ses liens avec le temple Onjoji dans la préfecture de Shiga, et sa dévotion envers Suwa dans la préfecture de Nagano sont des éléments essentiels à ne pas négliger.
Pour honorer véritablement l’héritage de Takeda Shingen, le voyage doit naturellement relier divers lieux au-delà de la préfecture de Yamanashi.

L’interaction entre « Takuryo » et « Keiryo »


« Takuryo » et « Keiryo » ne sont pas des concepts strictement distincts, mais plutôt étroitement liés, s’enrichissant mutuellement pour améliorer la qualité globale du voyage.
Ensemble, ils incarnent une approche novatrice du voyage : une exploration profondément interconnectée de l’essence du Japon, dépassant les frontières traditionnelles du tourisme.

Tarui-no-Izumi

2020.08.28

Tarui-no-Izumi (Izumi, ville de Tarui, district de Fuwa, préfecture de Gifu)

S’écoulant sans cesse à travers les âges, de la capitale Kyoto vers les provinces de l’Est, puis de retour à Kyoto.

Il existe une source qui, depuis longtemps, apaise et revigore les voyageurs.

Prenez un instant pour vous asseoir. Respirez.

Ici, nombreux sont ceux qui ont posé leur plume sur le papier.

Bien que la source que j’ai autrefois contemplée
reste inchangée,
le reflet qu’elle contient
a vieilli avec le temps.
— Fujiwara Takaaki (XIe siècle)

Que ton cœur ne soit point superficiel,
car les rideaux de perles d’Izumi
pourraient encore mouiller
jusqu’à tes manches.
— Ichijō Kaneyoshi (XVe siècle)

Oignons verts lavés —
d’un blanc éclatant sous le froid,
la morsure de l’hiver.
— Matsuo Bashō (XVIIe siècle)

Les jours de pluie, il servait d’ombrelle protectrice ;
les jours ensoleillés, son immense feuillage offrait de l’ombre, accueillant les voyageurs.
Hélas, le grand zelkova est tombé lors d’un typhon en 2015.
Et pourtant, la source ne s’est pas tarie.

Bien que je ne sois pas doué pour la poésie, j’ai moi aussi essayé d’écri

Le grand zelkova —
bien qu’il soit fané,
les fils dispersés de l’automne
se raccommodent d’eux-mêmes
par la source éternelle de Tarui-no-Izumi.

Exploiter pleinement son don inné, un tambour du Hokke reliant à demain〜 Spectacle SHIVER : Ballet × Wadaiko 〜

2020.08.12

L’autre jour, j’ai assisté à une performance de Kensaku Sato, qui est également instructeur à WANOMORI.
Le spectacle a eu lieu au dojo « Koreirokan » à Togakushi.

It had been a long time since I last attended a live performance.
As someone who generally isn’t fond of ballet or musicals, this was my first time watching ballet.
(To be honest, I had never really liked it—my apologies.)
Naturally, I have no deep knowledge of ballet, so I can only share my impressions based purely on my emotions.

Le spectacle a commencé lentement, avec un échauffement, puis a évolué vers l’acte principal.
Et là, la scène a vraiment pris vie.

Ah.
Bondissant haut devant mes yeux, puis se retirant avec des pas rapides comme le vent,
la silhouette de Haruo Futayama incarnait à la perfection un être destiné à la grandeur.
Il était l’Usain Bolt de la course,
le Lionel Messi de l’atteinte du but.



Tout aussi fascinantes étaient Mimosa Koike, Fumiko Takase et Maho Higashi, qui faisaient preuve d’un contrôle du corps absolument stupéfiant.
Leur maîtrise m’a rappelé l’un des thèmes abordés dans les séminaires de WANOMORI :
« Quand l’esprit change, le corps change ; quand le corps change, l’esprit change. »
J’ai ressenti le désir de parler avec ces artistes de leur parcours vers une telle maîtrise complète de leur corps.


Et puis, une phrase m’est venue à l’esprit :
« Faire pleinement usage de ce dont on est doté à la naissance. »
Cette pensée, écrite en simple hiragana dans mon esprit, semblait se diviser en deux interprétations :
「活かしきる」 (exploiter pleinement ses capacités)
et 「生かしきる」 (embrasser totalement sa nature).


En tant que personne ordinaire, je ressens que j’appartiens plutôt à la première catégorie :
utiliser mes modestes capacités simplement pour gagner ma vie, en luttant au quotidien.

Mais « embrasser totalement » semble être l’essence même de ceux qui sont destinés à leur vocation.
C’est un état d’être naturel, où l’on s’assoit simplement pour s’asseoir, aussi aisément que l’on respire.

Naître dans une région bénie par la présence d’excellents professeurs de ballet.
Voir ses dons naturels être dynamisés et développés par l’environnement qui nous entoure.

Ces artistes semblaient réellement destinés à leur chemin.
Tout comme Sato-san et son art du taiko.
(Bien sûr, leurs réussites sont certainement soutenues par des efforts extraordinaires.)

Le rythme tonitruant des tambours taiko s’est intensifié, menant le spectacle à un final apothéotique et laissant le public profondément ému.

Ce profond sentiment d’émerveillement ne peut être pleinement apprécié qu’en le vivant en direct.
Bien que les circonstances actuelles ne permettent pas toujours de telles expériences,
je recommande vivement à chacun d’y assister en personne, en prenant toutes les précautions nécessaires,
pour ressentir pleinement la puissance de cet art.

Le Tambour du Sūtra du Lotus

Dans le bouddhisme de Nichiren, l’expression « Le Tambour du Sūtra du Lotus » est utilisée pour décrire l’amélioration progressive et constante des circonstances.
Le jeu de taiko de Kensaku Sato possède une capacité remarquable à élever les esprits et à guider les gens vers un endroit plus lumineux et plus positif.
L’essence de cette atmosphère ne peut être pleinement appréciée qu’en assistant à une performance en direct.

C’est tout pour cette fois.

Dans un Monde d’Errance, Pourquoi ne pas Essayer le Haïku ?

2020.05.11

Une émission sur l’art du haïku flotte à la radio de la voiture.
Apparemment, elle parle des œuvres des « Shōmon Jittetsu » (les dix disciples de Bashō)*.
Ma connaissance du haïku se limite à sa structure 5-7-5 et à l’inclusion de mots saisonniers.
Humble face à mon ignorance, je cherche la définition de « haïku » dans le dictionnaire.

Shōmon Jittetsu : Terme désignant les dix disciples les plus remarquables de Matsuo Bashō.


Citation du Dictionnaire (Kōjien)

Haïku : hai-ku 【俳句】
① Poème spirituel ou satirique.
② Poème court composé selon une structure fixe de 5-7-5 syllabes.
Issu du vers d’ouverture de la poésie enchaînée (renga), il intègre traditionnellement des thèmes saisonniers et des mots de césure (kireji).
Le terme s’est largement répandu à l’époque Meiji, à la suite du mouvement de réforme de Masaoka Shiki, mais il désigne également les hokku antérieurs à l’époque Edo.
Avec le tanka, il constitue l’un des deux courants de la poésie courte japonaise.
Alors que les haïkus traditionnels respectent la forme et les thèmes saisonniers, certains haïkus modernes s’affranchissent de ces conventions.


Une Parodie et une Digression sur le Haïku

En parlant de Bashō, je me souviens d’avoir lu Chihayafuru Oku no Hosomichi de Nobuhiko Kobayashi il y a longtemps.
Bien que les parodies ne conviennent pas à tout le monde, j’ai trouvé ce livre divertissant.
À lire si vous êtes curieux.

Revenons au haïku.

Tournons notre attention vers Ozaki Hōsai (1885–1926), un poète connu pour ses haïkus en style libre.
Voici quelques-unes de ses œuvres :

  Allongé, écrivant une lettre – le poulet observe.

  Chien, remuant la queue comme si elle allait se casser.

  Un magasin d’alcool et de tabac, désormais un lieu familier.

  Écrasant un moustique de midi, lisant le vieux journal.

  Sans récipient – je reçois avec mes mains nues.

  

Seul, sans raison particulière.

Hōsai a passé ses derniers jours sur Shōdoshima, attiré par la mer.
La nature ne l’a jamais rejeté.
Il semble qu’il se soit éteint au son des vagues, bercé par l’océan.

  Une petite fenêtre laisse entrevoir la mer.
  La fumée s’élève derrière la montagne printanière.

Un Autre Poète : Taneda Santōka
Un autre poète contemporain ayant eu le même mentor, Taneda Santōka (1882–1940), a également laissé derrière lui des œuvres remarquables :

  Je continue d’avancer, pourtant les montagnes bleues s’étendent à l’infini.

  Ce voyage, un voyage sans fin – les cigales chantent.

  Cœur épuisé ; montagnes, mer – trop de beauté.

  Nuit sans sommeil, taillant mes ongles.

  Une route droite, solitaire.

En feuilletant les journaux de Santōka sur Aozora Bunko, je suis tombé sur un trésor. N’ayant lu que ses recueils de poésie, son journal m’a offert une perspective nouvelle. Sa sincérité, sa gravité et son humour m’ont absorbé jusque tard dans la nuit. Voici quelques extraits :

Boisson matinale et bain matinal :
Le saké du matin a un goût exquis – chaque goutte, chaque gorgée imprègne tout mon être.
Bain du matin, saké du matin, ciel éclatant. Je ressens vivement ma paresse et la joie de la solitude.

Lutte avec l’alcool :
Lors des rassemblements où l’on boit, je ressens vivement mes contradictions, mon moi fragmenté.
Un combat entre le moi qui veut s’enivrer et le moi qui résiste à l’ivresse – un affrontement de feu et d’eau, une guerre entre dieu et diable au fond de mon ventre.
Au final, mon corps cède, mon âme pleure, et je sombre dans un cauchemar agité.

Même lorsqu’il décide d’arrêter, il finit par s’enivrer.
Pourquoi la vie ne peut-elle pas être vécue avec une telle légèreté ?

Sur l’écriture du haïku :
Ne compose pas sans émotion. Un véritable haïku peut être maladroit, mais un faux, aussi habile soit-il, ne vaut rien.


La vie de Santōka fut un voyage extraordinaire, une quête incessante du haïku.

Sur la mort :
Mes souhaits ne sont que deux. Juste deux.
Le premier est de composer des haïkus qui soient véritablement miens.
Le second est de mourir en paix – partir sans souffrance prolongée, sans devenir un fardeau pour les autres, et atteindre une fin joyeuse.
Je crois que je mourrai soudainement, d’une crise cardiaque ou d’une attaque.


Maladroit dans la vie, mais résolu dans l’esprit

Bien que maladroit et incapable de traverser la vie avec aisance, il a passé ses jours à se confronter à lui-même, errant et luttant, jusqu’à ce que sa vie touche à sa fin.
Fidèle à son souhait, il est parti paisiblement d’une attaque, un départ soudain et silencieux.

Toute sa vie fut un voyage intense et extraordinaire à la poursuite du haïku.

  
  Sous l’exposition de la nature, le vent transperce ce corps fragile (Bashō).  


Hōsai et Santōka étaient des hommes attachants mais imparfaits, des alcooliques en lutte avec les réalités de la vie.
Leur pureté les rendait inadaptés aux affaires matérielles, exaspérant leurs familles, tandis que d’autres les considéraient comme des figures attachantes.
Eh bien, la vie n’est facile pour personne.


Inspiré par le haïku

Après avoir écrit tout cela, je me rends compte que je n’ai jamais composé de haïku moi-même, mais j’ai envie d’essayer.
Je ne peux égaler l’intensité de ceux qui ont consacré leur âme à leur art, mais peut-être puis-je m’amuser avec des idées.
Pas de règles, pas de structure – juste des créations libres.

  

  Une si belle lune – je dors seul sous sa lumière (Hōsai). 

  

  Même pour celui qui est seul, la lune brille encore (inspiré par Hōsai).

  

  Toussant, seul (Hōsai).

  

  Une quinte de toux – mais personne pour s’en soucier (inspiré par Hōsai).  

(Sur la mort d’un animal de compagnie)

  Un chien s’en va paisiblement – je l’accompagne du regard.

  

  Des sutras récités pour le chien dans un temple zen.

  

  Son nom en katakana sur une stèle Sotoba.  

  

  La renaissance attend – l’histoire d’un chien au cinéma.  

  

  Dans le royaume du chien, des os enfouis – et maintenant des tomates plantées.

  

  Distraitement, j’essaie moi-même de hurler.

(À l’ère du confinement)

  Un monologue s’empile sur un autre.

  

  Les longs après-midis des jours fériés en pandémie.

  

  Sans les gens qui se rassemblent, ni les liens ni les jours ne peuvent commencer.

Écrire des haïkus s’avère étonnamment amusant. Plongé dans mon propre plaisir, j’ai du mal à m’arrêter.
Peut-être suffit-il d’exprimer librement ce qui me vient à l’esprit. (Ou est-ce une erreur ?)

En ces temps de confinement, ne serait-il pas merveilleux de partager le haïku en famille ?
Un rassemblement familial autour du haïku pourrait illuminer ces longs après-midis à la maison.


Enfin, je voudrais citer intégralement Le cœur qui respecte les choses de Santōka, tiré d’Aozora Bunko.
C’est la preuve qu’il a vécu exactement comme il souhaitait : toujours simplement et avec une sensibilité à fleur de peau.

(On estime que Le pèlerinage de Santōka à Shikoku a été écrit lorsqu’il avait environ 46 ans.)

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Le cœur qui chérit les choses
Par Taneda Santōka


Le cœur qui chérit les choses est un terreau fertile qui nourrit et soutient la vie.
Il nous mène naturellement vers un monde partagé avec le divin, nous guidant vers le domaine où nous nous unissons au Bouddha.

Il y a quelques années, lors d’un pèlerinage mendiant à travers les sites sacrés de Shikoku, je suis devenu par hasard le compagnon de voyage d’un vieux pèlerin nommé H.
C’était un homme aguerri aux épreuves, un « pèlerin professionnel » en quelque sorte (par opposition à un pèlerin mû par une foi pure). Pourtant, il portait en lui une certaine dignité, aussi bien dans son corps que dans son esprit.
Il ne parlait jamais des circonstances qui l’avaient mené à cette vie, et je ne lui posais pas de questions.
Ayant accompli plusieurs fois ce pèlerinage, il connaissait parfaitement la géographie et les coutumes de Shikoku.
De la somme que l’on pouvait recevoir en mendiant, au rythme de la marche, en passant par la qualité des hébergements – il m’a appris bien des choses.

Chaque jour, nous marchions, l’un suivant l’autre.
Chaque nuit, nous logions dans la même auberge, partagions nos repas et dormions côte à côte, tissant peu à peu un lien de familiarité.
Un jour, alors que nous suivions la route d’Awa à Tosa, puis vers Iyo, nous nous sommes assis sur un rocher en bord de route pour nous reposer.
Sortant nos blagues à tabac, nous avons entamé une conversation légère, oubliant un instant la fatigue du voyage.

Je remarquai que H. allumait des allumettes à plusieurs reprises—une, deux, cinq, six pour une seule cigarette.

« Tu utilises pas mal d’allumettes », lui fis-je remarquer.

« Oui », répondit-il. « On m’en donne tellement qu’elles s’empilent sans fin. Je ne peux pas vraiment les revendre, alors je les utilise comme ça. »

En entendant cela, je ressentis un pincement désagréable au cœur.

Il était évident que sa foi n’était pas sincère, et je compris qu’il n’était pas digne d’être mon compagnon de voyage.
Un flot de mépris et de frustration monta en moi, mais je le réprimai et gardai le silence.
Après tout, ce n’était pas le genre d’homme à écouter les reproches, et je n’avais pas la confiance nécessaire pour lui faire la leçon.

Pendant encore plusieurs jours, je voyageai avec lui, accablé par un sentiment de malaise.
Finalement, je ne pus plus le supporter et m’éloignai discrètement de lui.

Je me demande ce qu’il est devenu après cela. Est-il encore en vie, ou a-t-il déjà quitté ce monde ?
Je pense souvent à lui et prie pour son bonheur. Pourtant, à moins qu’il ne se repente, je ne peux m’empêcher de douter de la fortune de sa fin.


Chérir une seule allumette, c’est apprécier les bénédictions du soleil.
Ceux qui comprennent la valeur précieuse de la lumière du soleil ne peuvent pas traiter une allumette avec négligence.



Un foyer moderne

Madame S était une femme intellectuelle. Elle était habile en société et compétente dans la gestion du foyer.
À première vue, elle semblait être une dame parfaite, mais hélas, elle n’avait jamais connu le baptême de la pauvreté.

Un soir, j’ai été témoin d’une scène choquante chez elle.
La domestique, occupée à une tâche, avait laissé le robinet ouvert.
L’eau coulait sans fin, gaspillée, tandis que Madame S restait assise là, indifférente.

L’ignorance de la domestique pouvait susciter de la pitié, mais l’arrogance de la maîtresse de maison était révoltante.
La sacralité de l’eau, sa préciosité, sa valeur irremplaçable… Pourtant, timide comme j’étais, je ne dis rien et me retirai en silence.

Elle aussi était coupable de sacrilège.
Elle connaissait le prix des choses, mais non leur véritable valeur.
Elle ne comprenait pas que, dans certaines circonstances, même un gros diamant pouvait être sans valeur face à une simple boulette de riz.


Sur la valeur des choses

Du point de vue du grand univers, tout est immuable—ni augmentation ni diminution, ni création ni destruction.
Il n’y a ni gaspillage, ni économie, ni utilité, ni inutilité.

Mais en tant qu’êtres humains, le gaspillage est impardonnable. Dans la société humaine, nous devons éliminer le gaspillage.
Nous devons honorer la valeur des choses et respecter le travail qui les produit.
Cela s’applique en tout temps et en toutes circonstances, indépendamment du statut ou de la richesse.

Apprécier la valeur intrinsèque des choses, c’est véritablement vivre.
Là où les vertus innées des choses se révèlent, se manifeste la nature de Bouddha.

Élever les vertus des choses—telle est la mission de l’humanité. is the duty of humanity.

En repensant à mes expériences, je réalise que mes paroles ont pu sembler dures envers Monsieur H et Madame S.
Mais, en fin de compte, toutes ces remontrances s’adressaient à moi-même, pour me rappeler le chemin que je dois suivre.
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(Hiroshima Teiyu, septembre 1938)

C’est maintenant le moment de rendre un monde inintéressant intéressant

2020.04.30

Nous vivons à une époque où les biens et les services débordent à un rythme toujours plus rapide.
Pour accueillir cette abondance, je n’ai cessé de me vider, créant un espace pour que ces biens et services remplissent chaque recoin.
Je pensais qu’ils continueraient d’affluer sans fin, une source inépuisable qui me serait accordée à jamais.

Puis, une épidémie inconnue a frappé.
Son influence a bouleversé le monde d’une manière jamais vue auparavant.
Et aujourd’hui, les jours ordinaires que nous tenions pour acquis ne sont plus.



« Rends un monde sans intérêt intéressant ; la clé réside dans ton cœur. »
「おもしろきこともなき世をおもしろく すみなすものは心なりけり」



Bien que cela puisse sembler abrupt, c’est le thème de la réflexion d’aujourd’hui.
Comme vous le savez peut-être, il s’agit du célèbre poème d’adieu de Takasugi Shinsaku (du moins, c’est ce que l’on dit).
Il a traversé sa courte vie avec une intensité fulgurante.
Ayant hérité de l’esprit ardent de son mentor, Shoin Yoshida, on le décrivait comme un être semblable au tonnerre et aux tempêtes.
Les interprétations de son dernier poème varient, mais voici comment je le comprends :

Il y a de la joie à trouver en toute chose.
Même en étant accablé par la maladie ou confronté aux épreuves, si l’on façonne correctement son cœur,
on peut traverser le monde avec un sentiment de joie.

Cette phrase offre une profonde réflexion sur la manière dont ceux qui souffrent aujourd’hui d’une perte de liberté peuvent transformer leur état d’esprit.
Bien que l’épidémie soit un fléau détestable qui a coûté de nombreuses vies, elle offre aussi une occasion de se recentrer sur soi-même.
Une opportunité de revisiter les vides en nous.

Passer du simple fait de recevoir des biens et des services à une attitude qui trouve de la joie en toute chose.

Pour ceux qui fournissent des biens et des services, cela pourrait aussi être une belle occasion de s’éloigner d’un état d’esprit axé avant tout sur le profit.

Au fait, je pense que la variole a également eu une influence significative sur la vie de Shinsaku, en plus du mentorat de Shoin.
Grâce aux vaccins, la variole n’est plus une maladie mortelle aujourd’hui, mais à son époque, c’était une épidémie redoutable avec un taux de mortalité pouvant atteindre 70 %.
Vers l’âge de dix ans, Shinsaku a contracté la variole et a miraculeusement survécu.
Cette expérience entre la vie et la mort a dû profondément façonner sa vision de l’existence, forgeant une perspective nouvelle et puissante.
Le reste de sa vie, comme beaucoup le savent, fut extraordinaire.



Intransigeant, avec une vision large, toujours flexible et ouvert aux changements.
Utilisant parfois les fonds du clan pour des plaisirs frivoles, et pourtant attachant.
Une fois sa décision prise, il agissait avec rapidité et détermination.
Une vie entière de printemps, d’été, d’automne et d’hiver, condensée en moins de 30 ans.

Il a tiré le meilleur parti d’un monde sans intérêt, vivant avec une curiosité et une joie infinies.

L’impact de la pandémie de COVID-19 a largement dépassé nos attentes du début de l’année.
Même les Jeux olympiques reportés pourraient ne pas avoir lieu.
Pour traverser une telle période, nous devons donner un sens à chaque instant présent.
Apprenons de l’esprit de Shinsaku Takasugi.

Histoire émergente

2020.03.18

Une stèle de pierre attire ton regard lors d’un voyage.
Je n’ai aucune expérience en calligraphie, encore moins la capacité de lire des documents anciens.
Les caractères érodés se fondent dans le paysage et passent inaperçus.


L’autre jour, j’ai eu l’occasion d’observer le processus de réalisation d’une estampe.
C’était la première fois que je voyais cet art.


De l’eau est appliquée, puis une feuille de papier de Xuan est posée sur la surface.
Même avec la même quantité d’eau, le processus de séchage diffère entre la partie supérieure et inférieure.
Avec le temps, l’eau s’écoule lentement de la partie inférieure du papier.
Le travail avance, soigneusement calculé, étape par étape.

En utilisant habilement différents types de pinceaux,
le papier est appliqué avec précaution pour éviter que l’air ne s’y infiltre.

À mesure que le séchage progresse, l’encre est appliquée avec précision.
Le travail se poursuit, en utilisant divers outils selon les besoins.

État d’origine
Après le frottage

La technique du frottage révèle le passé.


Elle restaure la calligraphie en tant qu’art.
Elle préserve une histoire enfouie et oubliée.
Elle existe simplement comme une œuvre créée par le processus de frottage.


La texture du papier Xuan, combinée au rythme du pinceau de l’artiste, permet à l’encre de s’étendre avec élégance.
Des caractères blancs en relief, on pourrait presque entendre une mélodie.
Le frottage se transforme en une œuvre autonome, indépendante du monument d’origine.La texture du papier Xuan, combinée au rythme du pinceau de l’artiste, permet à l’encre de s’étendre avec élégance.
Des caractères blancs en relief, on pourrait presque entendre une mélodie.
Le frottage se transforme en une œuvre autonome, indépendante du monument d’origine.


En le contemplant, j’ai ressenti le désir d’en savoir plus sur son contenu.


TCette curiosité m’a conduit à affronter un épisode tragique de l’histoire.
En explorant son contexte, des vagues de colère et d’impuissance ont déferlé en moi.
Ce sont toujours les citoyens qui portent les sacrifices, pris dans le tourbillon des nations et de la politique.


Puisqu’il s’agit d’un monument privé, je m’abstiendrai d’approfondir davantage et conclurai ici ma réflexion.


Quoi qu’il en soit, ce fut une journée significative qui m’a permis de réaliser le potentiel des frottages.



Merci, Monsieur Kusuo Hino, pour cette expérience.


:Nanyu HINO 
Né en 1961 dans la préfecture de Yamagata, Japon.
Spécialiste de l’étude des Quatre Trésors du Cabinet de Travail (pinceau, encre, papier et pierre à encre) et des frottages.
Enseignant vacataire à l’Université Daito Bunka et à l’Université Kokugakuin.
Représentant de l’Association japonaise du frottage.

Adopte une approche interdisciplinaire dans ses recherches et investigations, en mettant l’accent sur l’intégration et l’étude parallèle des pinceaux, de l’encre, des pierres à encre, du papier et des frottages.


Membre de la Société de Recherche sur la Culture du Washi, Hino s’implique activement dans des thèmes tels que :


・Les pinceaux utilisés pour le papier washi

・Les changements de couleur de l’encre sur le papier washi

・Les applications des frottages utilisant le papier washi

« Un génie et sa vocation » – Partie 1

2020.03.10

Il arrive qu’une personne naisse en possédant tous les éléments nécessaires à une profession particulière.
Une telle personne consacre sa vie à cette vocation, poursuit ses efforts sans relâche et accomplit des réalisations sans égales.

Choisi par le divin, et choisi par son art.

Un génie destiné à sa vocation.

De temps à autre, de telles personnes émergent.
L’une d’elles est devenue célèbre dans le monde du baseball sous le nom d’Ichiro.
Avec un talent extraordinaire et une silhouette élancée, il a tracé son chemin jusqu’à la Major League Baseball.

Dans une ligue où les joueurs de puissance frappent des home runs avec des swings complets,
et où des géants proches de 2 mètres éliminent les batteurs avec des balles rapides dépassant les 160 km/h,
Ichiro a obtenu des résultats avec une approche totalement différente, défiant les valeurs conventionnelles du baseball occidental et captivant les foules du monde entier.

Au vu de ses accomplissements et de son héritage en Amérique, on pourrait presque appeler Ichiro le « fondateur de la Voie du Baseball ».
Du moins, c’est ce que je pense personnellement.

Je ne suis pas un expert en baseball, ni un spécialiste d’Ichiro, mais j’aimerais partager mon point de vue et analyser ce que j’appelle « La Voie du Baseball selon Ichiro ».

Les Fondements de la Voie d’Ichiro

Où mène ce chemin ?

Gagner un match en marquant juste un point de plus que l’adversaire.
Pour y parvenir, il s’est concentré sur ce qui devait être fait et sur ce qu’il était capable d’accomplir.
La première étape de ce processus : se connaître profondément et entièrement.
Par l’analyse, il déterminait ce qui était nécessaire à chaque instant et l’exécutait.
Avec calme et constance.

Cela, je crois, constitue le fondement de la Voie du Baseball selon Ichiro.

L’« essence japonaise » dans le jeu d’Ichiro

Lorsque Ichiro est allé en Amérique, son « essence japonaise » est apparue encore plus distinctement.
Sa posture dans la boîte du frappeur n’était rien de moins que celle d’un samouraï.

C’était magnifique.

La façon dont il manipulait son équipement était méticuleuse et professionnelle.
Il avait sans doute étudié son utilisation en profondeur.

Historiquement, l’approche des outils a été nettement différente entre le Japon et l’Occident.
En Occident, les outils sont continuellement améliorés pour les rendre plus efficaces et plus faciles à utiliser.

À l’inverse, les Japonais affinent souvent leurs compétences et techniques, même avec des outils quelque peu incommodes ou dépourvus de rationalité.
C’est ainsi qu’émerge le concept de « La Voie » ().
Et c’est aussi cette « essence japonaise » que l’on retrouve chez Ichiro

L’Art de la Batte

Prenons, par exemple, l’utilisation de la batte par Ichiro.
Il la maniait avec la finesse d’une raquette de tennis.
Son contrôle de la batte atteignait probablement un niveau de précision comparable à celui des placements en tennis.

En utilisant sa batte comme si elle avait une large surface, à l’image d’une raquette, il a introduit dans le baseball les stratégies de placement sophistiquées du tennis.
(Je ne peux pas l’affirmer avec certitude, mais c’est l’impression que j’en ai.)

Plutôt que de simplement chercher à frapper avec le « sweet spot » de la batte, il utilisait intentionnellement une gamme plus large de points de contact.
Il ne visait pas seulement des zones générales comme le champ centre-gauche ou l’écart entre le deuxième but et l’arrêt-court ;
il ciblait des endroits extrêmement précis.
Je pense que son approche au bâton était orientée vers la préparation de l’action suivante ou de la course sur base,
rendant ainsi chaque placement délibéré et soigneusement calculé.

Stratégie et Probabilité

Ichiro était toujours stratégique, évaluant sans cesse les probabilités des différentes actions possibles.
Quelle option offrirait le meilleur résultat ?
Quelle était la réponse optimale pour lui-même ?

Il ne cherchait pas toujours à frapper proprement la balle ; parfois, il faisait exprès d’établir un contact plus faible afin de tirer parti de sa vitesse et d’atteindre la première base.
Il prenait probablement en compte la manière de perturber le rythme défensif de l’équipe adverse.
Quel joueur frustrant il devait être pour ses adversaires !

Chaque action qu’il réalisait était sans doute le résultat de sa propre Voie du Baseball

Au-delà du jeu

Il nous a offert des années de plaisir grâce à ses performances remarquables.
Et parfois, il s’est même écarté du strict cadre du baseball pour nous offrir des instants de pur divertissement.

Bien sûr, ce n’est que mon analyse personnelle, et il pourrait être en total désaccord avec mes interprétations.
J’adorerais avoir l’opportunité de lui parler directement pour entendre ses pensées.

Mais après tout…

Ne serait-ce pas incroyable s’il sortait de sa retraite ?

Atteindre « Kissa Ko »

2020.02.14

« Zen et Calligraphie : Un Dialogue sur Kissa Ko »
William Reed × Kenshu Furukawa, Maître Zen Sénior

 

Colonne : Atteindre « Kissa Ko »
Représentant de LLC WANOMORI

Shinji Kasai de Nishijima avait fabriqué une grande feuille de papier washi fait main, et je me suis retrouvé à réfléchir aux mots à écrire dessus.
C’est alors que mon regard est tombé sur l’expression zen « Kissa Ko » (« Prenez une tasse de thé »).
Elle semblait parfaitement convenir.
Cette phrase correspondrait à la fois à la taille du papier et au pinceau.
Elle s’harmoniserait aussi bien avec la texture du washi.

 

ー趙州喫茶去 引用ー
師問二新到。上座曾到此間否。
云不曾到。
師云。
「喫茶去」
又問。那一人曾到此間否。
云曾到。
師云。
「喫茶去」
院主問。
和尚不曾到教伊喫茶去即且置。
曾到為什麼教伊喫茶去。
師云院主。
院主應諾。
師云。
「喫茶去」

– Arriver, ne pas arriver et le vide –

Qu’un moine vienne pratiquer pour la première fois, qu’il ait déjà visité plusieurs fois ou qu’il serve depuis de nombreuses années, il n’y a pas de véritable « arrivée » à la fin.
Même lorsqu’on pense avoir atteint une conclusion, ce n’est jamais vraiment la fin.
Le chemin continue de changer et de s’écouler.
Comme les vagues qui vont et viennent, parfois nous les chevauchons, parfois nous leur résistons, mais elles ne cessent jamais.

Même gagner une médaille d’or olympique ne signifie pas que l’on est « arrivé ».
Ce n’est qu’un accomplissement en comparaison avec d’autres participants.
En comparaison avec soi-même à travers le temps, on peut encore être loin de « l’arrivée ».

Cela dit, une médaille d’or reste une médaille d’or.

Prenez une tasse de thé. (喫茶去 / Kissa Ko)

Prenez un moment pour faire une pause, appréciez le thé, puis avancez vers votre prochaine étape.

Kaori Icho, qui s’est tenue au sommet olympique à quatre reprises, poursuit toujours sa carrière.
C’est précisément l’essence de « Prenez une tasse de thé » (喫茶去 / Kissa Ko).

Prenez une tasse de thé.

L’année dernière, lors d’un événement organisé dans l’enceinte du temple pour écrire l’expression zen « Kissa Ko » (Prenez une tasse de thé), j’ai appris que le maître zen Kenshu Furukawa avait choisi « Kissa Ko » comme thème central de sa conférence au temple Erinji.

Sans consultation préalable, j’avais également choisi d’écrire « Kissa Ko » pour cet événement.
Cela m’a semblé être un cas de sérendipité ou de synchronicité—des termes en anglais qui capturent l’essence de ces coïncidences pleines de sens.

Il y a des moments où nous rencontrons des coïncidences inexplicables.

Peut-être que ceux qui gardent leur cœur grand ouvert sont plus enclins à vivre de telles rencontres douces et fortuites.
Et parfois, ces simples coïncidences donnent naissance à des idées nouvelles, rares et précieuses.



Zhaozhou et l’esprit de la quête infinie

Zhaozhou (778–897), maître zen de la dynastie Tang, aurait vécu 120 ans, une longévité exceptionnelle.
Peut-être que sa quête incessante de la Voie et son engagement dans une pratique sans fin ont rendu une telle longévité possible.

À 60 ans, il entreprit un nouveau voyage d’entraînement.
Son attitude, consistant à vivre chaque jour sans être prisonnier du temps, offre un exemple profond et inspirant.


Le thé et son évolution à l’époque de Zhaozhou

Vers cette époque, Lu Yu (733–804) a écrit le « Classique du Thé » (Cha Jing), le plus ancien ouvrage sur le thé.
Grâce à ce livre, nous pouvons mieux comprendre la culture du thé du temps de Zhaozhou.

Le thé de cette époque était préparé à partir de bǐng chá—des galettes de thé compressé qui étaient séchées, réduites en poudre, puis infusées.
Cette méthode, conçue pour faciliter le transport, reflétait les besoins pratiques de l’époque.
La culture du thé a constamment évolué, s’adaptant aux environnements qui l’entouraient.

Et grâce à cette évolution, nous pouvons aujourd’hui savourer les délicieux thés dont nous disposons.


Le voyage du thé au Japon

Le thé aurait peut-être été introduit au Japon comme médicament à l’époque de la légende de Xu Fu.
Cependant, on pense que la coutume de boire du thé a été rapportée par les émissaires japonais envoyés en Chine sous les dynasties Sui et Tang.

Plus tard, le moine Eisai a introduit le Kissa Yōjōki (Boire du thé pour la santé), ancrant encore davantage le thé dans la culture japonaise.
Aujourd’hui, le thé est profondément lié au tissu culturel du Japon


En Europe, la création de la Compagnie des Indes orientales a marqué ce moment fortuné.

Le médecin anglais Dr. John Coakley Lettsom a documenté cette histoire dans son ouvrage The Natural History of the Tea Tree (1772).
Bien qu’il contienne un certain parti pris, ses explications détaillées et ses illustrations en font une œuvre d’histoire naturelle digne d’être lue.

Parmi ceux qui étaient sceptiques à l’égard du thé, une rumeur s’est répandue selon laquelle sa couleur verte provenait d’un colorant artificiel à base de vert-de-gris.
Accepter quelque chose de nouveau prend du temps.

Le livre note également que le thé était initialement importé via les Pays-Bas, principalement du Japon, mais que cette importation s’est progressivement déplacée vers la Chine.
Si le Japon n’avait pas adopté sa politique isolationniste (sakoku), les habitudes de consommation de thé des Britanniques auraient peut-être tourné autour du matcha ou du sencha, plutôt que du thé noir.

Après tout, le développement culturel est souvent influencé par des facteurs politiques.

En Occident, le thé s’est répandu principalement grâce à son goût et à ses bienfaits pour la santé.
Au Japon, en revanche, il a intégré la philosophie, la spiritualité et des idéaux culturels uniques, menant à une évolution distincte.

La cérémonie du thé japonaise (chanoyu) est généralement considérée comme ayant été perfectionnée grâce aux contributions de Jukō, Jōō et Rikyū.
Lorsque les Britanniques ont goûté au thé pour la première fois, celui-ci était déjà devenu un art et une expression culturelle aboutie.

C’est une chose dont le Japon peut être fier.
Dans The Book of Tea, Okakura Tenshin soulignait que la cérémonie du thé est l’un des meilleurs moyens de transmettre notre culture aux peuples d’autres traditions.

Cela dit, la cérémonie du thé contemporaine est souvent critiquée pour être trop formelle et commercialisée, ne parvenant plus à générer les valeurs profondes qu’elle portait à ses débuts.
Cela peut être compréhensible dans une certaine mesure.

À une époque où les gens vivaient avec une épée à leur côté, luttant désespérément pour survivre, l’impermanence de la vie—symbolisée par un ami assis à vos côtés dans la salle de thé, disparaissant comme la rosée sur le champ de bataille—nourrissait le monde du wabi-cha.
Peut-être est-il impossible de recréer un tel univers à notre époque.

Cependant, les traditions qui existent uniquement pour être préservées finissent un jour par être oubliées.
Elles doivent évoluer dans le présent pour rester pertinentes.

Et ainsi…

Un dialogue explorant la culture spirituelle qui sous-tend le zen, la calligraphie à l’encre (bokuseki) et la cérémonie du thé, vu sous un prisme contemporain, ne peut qu’être riche en enseignements—un point de départ pour transformer l’immobilité en mouvement.

Sur ce,

Prenez une tasse de thé. (喫茶去 / Kissa Ko)




<Livres de référence>

« Cha Jing » (Le Classique du Thé)
The Classic of Tea: Complete Translation and Commentary (Kodansha)
Par Chofu Nunome

« Kissa Yōjōki » (Boire du thé pour la santé)
Eisai’s Kissa Yōjōki (Kodansha)
Par Shokin Furuta

« The Natural History of Tea »
The Natural History of Tea: A Study on the Tea Plant and Tea Drinking (Kodansha)
Par John Coakley Lettsom, traduit par Akiko Takiguchi

« The Natural History of Tea »
The Natural History of Tea: A Study on the Tea Plant and Tea Drinking (Kodansha)
Par John Coakley Lettsom, traduit par Akiko Takiguchi

※ Veuillez noter : Cet événement s’est terminé le 22 février 2022.